L’intervention puis le recul de Mgr Fort, évêque d’Orléans, me laisse perplexe : Il a déclaré que le préservatif n’était pas fiable à 100% et qu’il faudrait l’indiquer sur les boîtes (comme il est écrit sur les paquets de cigarettes « Fumer tue »).
En réalité, la réaction du père Kubler rédacteur en chef de La Croix, interviewé sur France Inter le 27 mars à 8h20, est la seule bonne : « et le jour où on lui présenterait un préservatif fiable à 100%, que dira-t-il ? En réalité le discours de l’Eglise n’est pas prophylactique et ne se situe pas sur ce terrain-là. »
Néanmoins le tollé opposé dans les médias face à une telle prise de position d’un évêque incite à soulever un autre problème : a-t-on le droit de parler du préservatif ? Ou, pour retourner la question légitime du Père Kubler : le jour où un scientifique (et non un évêque) viendra nous dire que le préservatif n’est pas fiable à 100%, que ferons-nous ?
Le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida (Anrs), a déclaré que ces propos étaient « faux ». J’ai noté que la phrase suivante n’avait pas été retransmise sur France Inter : « en médecine rien n’est jamais à 100% » (propos rapportés notamment ici).
Cela semble une évidence… Et pourtant j’ai toujours cru, pour ma part, que le préservatif était effectivement fiable à 100%. Par exemple, je peux affirmer sereinement que l’abstinence est fiable à 100%…
Alors :
- je dénie aux non-scientifiques (c’est-à-dire à ceux qui n’ont pas sous la main les résultats d’une étude scientifique sur l’utilisation du préservatif en situation de laboratoire et ensituation réelle) le droit de répondre
- j’invite les scientifiques, ceux qui sont capables de réactions froides par rapport à des problèmes de faits, de corriger l’article Wikipedia, qui diffuse une information quasi-criminelle.
Je suis perplexe face à ce que contient cet article, car jusque là j’ai plutôt constaté la fiabilité des informations de cette source, surtout dans les domaines scientifiques. D’autant que l’article équivalent en anglais (et il n’y a pas eu les mêmes débats passionnés en Angleterre et aux Etats-Unis qu’en France) contient exactement les mêmes chiffres : 85% de fiabilité pour le sida. Donc 15% de contamination.
Si ces chiffres sont vrais, ils sont énormes.
3 avril 2009 at 10:10
Dernière phrase: je pense que c’est plutôt 15% de risque de contamination, quand même. Ça fait une sacrée roulette russe, mais après ça dépend beaucoup des circonstances: je suppose que le risque est plus grand si on a 100 « rapports » avec 100 partenaires différents (et louches), et ça dépend aussi de l’état du VIH, etc.
La comparaison avec le wiki anglais est très instructive, en tous cas. On a quand même l’impression que là-bas (en tous cas, aux USA), il n’est pas strictement tabou d’évoquer d’autres moyens de prévention…
J’en profite pour vous remercier de vos commentaire chez moi, et de vous souhaiter très bonne chance avec ce blog. Il en faut beaucoup des comme ça!
6 avril 2009 at 8:43
Je peux quand même vous livrer 2 ou 3 réflexions :
– je trouve que ce chiffre (85% 15%) est vraiment difficile à comprendre
– le risque de contamination est très différent selon la charge virale de la personne (le nombre de virus dans le sang)
– j’imagine aussi que la façon de se servir du préservatif a une énorme influence sur le risque de contamination.
– effectivement, en médecine, il n’y a jamais de 100%. Les gens (les patients) sont toujours extrêmement surpris quand j’essaye de leur expliquer les « faux positifs » et les « faux négatifs » dans les résultats de labo. Ils croient la plupart du temps que c’est fiable… à 100%. Mais je m’égare.
En tout cas je suis ravie de découvrir votre blog, Novice. Vous lire est un plaisir. Quant à Miclo sur causeur.fr, il me fait vraiment beaucoup rire depuis le début de la polémique papale, et bon sang, ça fait du bien!
7 avril 2009 at 6:39
Je ne suis pas très calé en biologie, mais il m’avait semblé par ailleurs comprendre qu’un virus n’était qu’un bout d’ADN, et que ça ne se baladait pas « comme ça » dans le vide : il est toujours dans une cellule (une cellule du sang, ou un spermatozoïde).
Donc déclarer que le virus est beaucoup plus petit que les pores du préservatif n’a aucun intérêt, puisque le virus n’a jamais à passer lui-même par ces pores : il ne passerait que « porté » par une autre cellule composé d’un noyau avec cet ADN viral.
Ou bien me fourvois-je ?
7 avril 2009 at 10:21
Bonjour à tous,
Figurez vous que cette histoire de virus et de capote me trotte beaucoup dans la tête. Je vous donne ici une définition du virus, donnée dans un cours de virologie de 3ème année de médecine : http://anne.decoster.free.fr/d1viro/indexvir.html
C’est sérieux et fiable. Le virus n’est pas juste un bout d’ADN, il y a un petit quelque chose autour(une sorte de coque), mais par contre il n’a pas la « machinerie » nécessaire pour se multiplier : il est donc obligé de parasiter des cellules et de détourner leur propre machinerie pour faire des petits (les virions). J’ai toujours trouvé cela fascinant et terrifiant.
Effectivement l’histoire de la taille du virus n’est donc pas le problème. je n’ai toujours pas lu Wiki, mais l’histoire des 15%, est-ce que ce n’est pas « 15% de risque que le fluide biologique passe quand même » (avec ce qu’il contient : spermatozoïdes, cellules infectées…). 15% tous utilisateurs de préservatifs confondus. Je ne sais pas. Mais je suis bien persuadée qu’effectivement le risque zéro n’existe pas, qu’il y a des préservatifs mal mis, qui craquent, qui sont utilisés bien que périmés ou mal conservés (chaleur, soleil…)etc… avec donc un risque de contamination réel. Sans doute relativement faible en France, car la prévalence est basse, et les séropositifs peuvent se soigner. Mais beaucoup plus élevé en Afrique, où la prévalence est très élevée et où l’accès aux trithérapie est encore très peu répandu. Cela mérite quand même qu’on y réfléchisse un peu et qu’on arrête de crier « capote! capote! capote! ». Je vais sans doute aller poster quelque chose d’approchant (et un peu plus développé si j’ai le temps) surle blog de Philarête. Et après je fais silence au moins jusqu’à dimanche. Au plaisir de vous lire, Novice!
4 avril 2009 at 11:35
1. Effectivement, il faudrait savoir ce que signifient ces statistiques, ce qu’on mesure exactement.
J’en ai compris personnellement que cela signifiait qu’une personne (homme ou femme ? le taux de contamination diffère) sidaïque avait des rapports protégés (par préservatif) avec 100 personnes, elle en contaminait 15.
Mais en réalité il faudrait en déduire qu’un homme qui a 100 rapports avec une même femme la contamine 15 fois — ce qui ne veut rien dire.
Ou encore qu’en ayant 8 relations protégées avec un sidaïque contaminé, il y en a forcément une qui laisse passer le virus.
Mais « laisser passer le virus » ne veut rien dire, puisque même des relations sexuelles sans préservatif ne sont pas toujours contaminantes.
Bref, il faudrait savoir de quoi on parle.
Ce qui est gênant, c’est que l’évidence mentionnée par le Pr Jean-François Delfraissy (en médecine, rien n’est jamais à 100%) n’est une évidence pour aucun « profane ». Et je suis certains que ceux qui distribuent les préservatifs les considèrent positivement sûrs à 100%.
2. L’existence de votre propre blog rend le mien souvent inutile. Je veux donc rester ce qui est à ma portée : coller aux textes, et laisser l’analyse à d’autres.
6 avril 2009 at 8:50
Cher Novice, votre blog n’est pas du tout rendu inutile par celui de Philarête, c’est différent mais également très intéressant. je dois dire que par moments, je suis quand même un peu larguée sur celui de Philarête (dans les commentaires et les réponses aux commentaires), surtout dans la bataille qui l’oppose à Augustissime. Je n’ai pas fait de philo depuis le lycée, et je n’étais pas super balèze.
Mais malgré tout, j’ai beaucoup de joie à lire toutes ces belles discussions (même si parfois ça dérive « grave »), car je suis très loin de mon beau pays, et ces grandes causeries me semblent plaisamment françaises. Pas sur, remarque : ici on appelle cela « palabre ».
7 avril 2009 at 6:37
@Neophyte : soyez la bienvenue.
J’aime qu’une néophyte puisse ainsi dialoguer avec un novice, et j’aurai plaisir à vous revoir.
7 avril 2009 at 10:26
J’ai encore trouvé ceci dans le même cours de viro (je l’ai parcouru vite fait mais c’est quand même assez complexe pour les … novices!) :
« la transmission sexuelle est le mode de contamination le plus fréquent. Elle peut s’effectuer au cours des rapports homosexuels ou hétérosexuels. Le premier facteur de risque est le « vagabondage » sexuel.
la porte d’entrée est la muqueuse génitale ou rectale. Les sécrétions génitales (sperme, glaire cervicale) sont infectantes par les virus libres mais surtout par les cellules infectées : lymphocytes TCD4 et macrophages. »
le cours est là : http://anne.decoster.free.fr/d1viro/indexvir.html
à plus
7 avril 2009 at 10:29
@Neophyte : il faut aller lire le rapport
suivant, donc (réf. donnée par l’article anglais de la Wikipedia)
National Institute of Allergy and Infectious Diseases; National Institutes of Health, Department of Health and Human Services (2001-07-20). « Workshop Summary: Scientific Evidence on Condom Effectiveness for Sexually Transmitted Disease (STD) Prevention » (PDF).: pp.13-15.